Analyse des mesures prévues pour le fondamental

Le SNE/CGFP donne feu vert au ministre Meisch pour le démantèlement des écoles fondamentales publiques
Accord entre le Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse (MENJE) et le Syndicat National des Enseignants (SNE/CGFP) au sujet des lignes directrices de la politique éducative pour le restant de l’actuelle législature
Suite à des négociations à huis clos, le SNE veut permettre au MENJE de continuer la réduction du contingent des leçons attribuées aux écoles, l’augmentation de la bureaucratisation à travers l’introduction de la gestion par objectifs, l’augmentation de la tâche des enseignants et un passage à l’enseignement secondaire plein d’embûches pour les titulaires du cycle 4.
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Comment ce papier a-t-il été élaboré ?
Des négociations ont eu lieu dans le strict secret, à l’insu du SEW/OGBL et sans consultation des enseignants. Le ministre s’est contenté d’inviter le SEW pour lui présenter le contenu de ce papier. Retenons de cette entrevue que « le ministère ne voulait pas entamer des négociations avec le SEW parce que le SEW n’est ni d’accord avec le PRS, ni avec le coefficient actuel du contingent de base de leçons d’enseignement attribuées aux écoles par le MENJE. »
Le ministre se contentait de trouver un partenaire docile lui permettant de continuer sa politique néfaste à une école fondamentale de qualité.
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Quel est la valeur d’un tel papier ?
Ce papier n’engage pas « le monde de l’Education » comme le ministre vient de l’annoncer. Il s’agit d’un engagement entre le ministre et un seul syndicat (qui a signé le papier au nom de tous ses membres, sans les avoir consultés au préalable). Cet accord n’engage que les signataires et peut à tout moment être remis en cause par la base.
Pour la mise en œuvre de sa politique éducative, le ministre a besoin du législateur. Il doit soumettre à la Chambre des Députés des projets de loi modifiant la tâche de l’enseignant, le passage du fondamental au secondaire et la carrière de l’enseignant. Les Députés pourront rejeter, amender ou voter les projets de loi que le ministre leur proposera. L’accord n’est qu’un garant que le syndicat qui l’a signé ne s’opposera pas aux mesures proposées par le ministère.
Il va de soi que le SEW s’oppose formellement à bon nombre de mesures prévues et tout d’abord à la mise en œuvre du contingent qui va réduire de 3500 leçons supplémentaires le nombre de leçons attribuées aux écoles jusqu’en 2019. Ceci va aggraver la situation des écoles qui d’ores et déjà n’arrivent plus à proposer une organisation scolaire qui répond aux besoins des enfants.
Le ministre savait bien que cette réduction progressive des moyens appelait la résistance non seulement des enseignants, mais encore de plus en plus de parents d’élèves et même de nombreux élus locaux qui pouvaient constater la diminution de la qualité de l’école sur le terrain. En offrant quelques postes mieux payés, il a réussi à s’assurer un soutien à sa politique néfaste pour l’école publique.
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Comment s’opposer à ces mesures ?
Les enseignants doivent alerter les parents d’élèves et les responsables politiques de ce qui est en train de se passer réellement dans nos écoles qui constatent l’accroissement des missions éducatives, qui accueillent de plus en plus d’enfants à besoins spécifiques et qui doivent affronter ces défis avec de moins en moins d’enseignants. Ceci draine de plus en plus d’élèves dont les parents ont les moyens vers les cours de rattrapage privés ou carrément vers les écoles privées.
A partir du 18 avril, le SEW organisera plusieurs réunions régionales pour informer les enseignants des démarches possibles. Lors de ces réunions, les enseignants discuteront de leur engagement pour une école de qualité et ils présenteront des alternatives pour une meilleure politique de l’éducation plus soucieuse de l’éducation et de l’instruction des élèves que de leur classification. Au delà de leur appartenance syndicale, ils peuvent se rejoindre pour défendre ensemble la qualité de leur travail et exiger une politique éducative qui respecte le travail effectué dans les classes.
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Faut-il deux catégories d’instituteurs ?
L’abolition de la carrière plane et l’engagement d’ «experts » et de « spécialistes » dans nos écoles va dévaloriser le travail des titulaires de classe et de tous ceux qui consacrent leur tâche principale à éduquer et à instruire les élèves. Contrairement aux 150 « instituteurs spécialisés », les « instituteurs ordinaires » devront se contenter de ne pas faire carrière et de justifier de plus en plus leur travail face à une multitude d’experts plus ou moins compétents. Ceci n’ira pas sans augmenter les paperasses et les formations plus ou moins utiles, ainsi que les concertations et les démarches administratives. L’instituteur de demain aura de plus en plus de travail administratif et de moins en moins de temps pour préparer ses cours et corriger les travaux de ses élèves.
Dans le temps le SEW et le SNE avaient revendiqué la même carrière pour tous les enseignants du fondamental et du secondaire, mais il s’agissait à l’époque d’une revendication pour tous les instituteurs et surtout pour ceux qui consacrent leurs efforts au travail avec les élèves.
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Les risques et dangers de la politique du ministre :
En offrant une perspective de carrière en tant qu’instituteur spécialisé, mais en limitant ces postes à 150, le ministre entend inciter les instituteurs à faire carrière. Il y aura beaucoup d’appelés et peu d’élus. Nombreux sont ceux qui d’ores et déjà ont effectué différentes formations de niveau master. Peu à peu le travail avec les élèves, la fonction de titulaire de classe se verra déclassée. Ceci d’autant plus facilement que l’augmentation des effectifs et l’attention de plus en plus fluctuante des élèves rendront la tâche plus difficile. La fierté et la satisfaction de voir augmenter les connaissances et les compétences de ses élèves seront de moins en moins au rendez-vous. Or, c’est cela qui fait l’attrait de la profession et qui nourrit l’engagement des enseignants. En faisant dépérir ces satisfactions intrinsèques à l’exercice du métier on enlève aux enseignants la flamme dont ils ont besoin pour motiver leurs élèves. L’enseignant ne pourra faire accéder ses élèves à la culture en se voyant en prestataire de service ou en travailleur à la chaîne.
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Est-ce que des instituteurs spécialisés apporteront une aide efficace aux enfants à besoins spécifiques ?
Chaque réorganisation de l’aide aux enfants en difficultés a jusqu’à présent résulté en un accroissement de la bureaucratie et une diminution de l’aide réelle apporté à l’élève concerné. Il est fort à craindre qu’il en sera de même avec l’affectation des instituteurs spécialisés à deux centres de compétences au niveau national. Les moyens provenant des équipes multiprofessionnelles à travers des décisions prises dans les CIS organisées au niveau régional s’avèrent déjà souvent difficiles à mobiliser. Quand à obtenir des ressources regroupées d’abord au niveau national, on a du mal à imaginer les démarches à accomplir pour y parvenir.
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La procédure prévue du passage du fondamental vers le secondaire présenterait-elle une amélioration par rapport à la procédure actuelle ?
Il est certes important d’améliorer la procédure de passage vers l’enseignement secondaire où les épreuves standardisées revêtent de plus en plus le caractère d’un examen de passage suite aux dernières fuites et aux moyens mis en œuvre pour les prévenir. Au lieu de dédramatiser cette épreuve et de n’y voir qu’un indicateur parmi d’autres sur les capacités des élèves, le ministre a réussi à en faire une sorte d’examen avec tous les côtés négatifs de cette forme de sélection.
Pourtant la démarche adoptée condamne les parents d’élèves et les instituteurs à se mettre d’accord s’ils ne veulent pas risquer de se revoir en adversaires devant un conseil qui décidera de l’orientation de l’enfant.
La procédure esquissée dans l’accord risque d’amener certains parents d’élèves à tenter de remporter une décision favorable pour une orientation de leur choix en faisant pression sur l’équipe pédagogique afin qu’elle adopte leur propre point de vue. Dans les cas où l’équipe ne se laisse pas convaincre l’affrontement avec le titulaire de classe semble devenir incontournable. Les années à venir montreront si c’est là le bon chemin. Dans la procédure envisagée c’est l’enseignant qui engage sa responsabilité pour le choix de l’ordre d’enseignement, mais les parents peuvent exiger et faire pression sur une décision favorable sans en assumer la responsabilité.
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Y aura-t-il une augmentation de la tâche des enseignants ?
Au cours des dernières années, la tâche des enseignants du fondamental a été augmentée considérablement par des travaux administratifs, des consultations pour parents, l’appui pédagogique et la formation continue obligatoire.
Face à une opposition formelle des enseignants et de leurs deux syndicats, le ministre a dû abandonner son projet de remaniement de la grille horaire.
L’augmentation des heures de formation continue obligatoire de 8 heures est à considérer comme une nouvelle augmentation de la tâche. Par un nouveau principe de comptabilisation des heures de formation sur une période de référence, des heures de formation continue auxquelles les enseignants ont participé ne seront pas prises en compte.
Or, la tâche des instituteurs a été clairement réglementée dans la loi de 2009 et du RGD afférent. Elle a été porté à un maximum à ce moment, sous la pression de négociations pour le reclassement de la carrière. Depuis, de nombreuses dispositions, comme le travail administratif chiffré à 18 heures annuelles, ont explosé en intensité et en durée, si bien qu’une révision à la baisse de la tâche serait de mise. Dans le passé, le SEW/OGBL a plutôt insisté sur la diminution des travaux administratifs, afin de préserver la disponibilité de l’instituteur pour le travail avec les enfants. Au vu des nouveaux projets du MENJE cette diminution ne semble pas à l’ordre du jour. Dans ces conditions, il devient de plus en plus important d’exiger une diminution de la tâche.
Le problème des leçons d’appui à prester par les enseignants du cycle qui dépassent l’horaire scolaire sera-t-il enfin réglé ?
Aucune solution n’est proposée. Le MENJE s’engage à analyser le problème.
La solution semble pourtant à portée de main : réduire les leçons d’appui à prester par les enseignants de 1,5 leçon à 1 leçon.
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Le principe de la cogestion sera-t-il maintenu ?
Le modèle participatif des comités d’école et des comités de cogestions était une des principales revendications du SEW lors de la réforme de la loi scolaire. Face à la pression des enseignants, le SNE a dû abandonner sa demande initiale d’un directeur d’école.
Le SEW veillera à ce que le principe de la cogestion ne soit pas altéré de façon à transformer le président du comité d’école à un assistant de l’inspecteur ou du ministère.
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Et l’autonomie scolaire ?
Le texte ne fait pas référence à l’autonomie scolaire. Au contraire, les nouvelles responsabilités du président du comité d’école dans le cadre de l’élaboration du PDS en font un exécutant au service d’une administration gonflée.
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L’école a-t-elle réellement besoin d’un « observatoire national de la qualité scolaire » ?
L’école publique n’a vraiment plus besoin de telles institutions qui à grands frais ne servent qu’à justifier les politiques d’austérité.
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Quels sont les objectifs du développement scolaire ?
Le principe néolibéral du « schoolmanagement » est définitivement à la base de la politique officielle du ministère.
Les enseignants doivent par conséquent investir beaucoup de temps et d’énergie à rédiger des concepts, des rapports et à remplir des formulaires sans effets et conséquences positives pour le succès scolaire de leurs élèves.
Face à une réduction des moyens mis à disposition, il s’agit de rendre les enseignants responsables pour les problèmes engendrés par une politique d’austérité.
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La fonction de l’instituteur-ressource est-elle enfin abolie ?
Les instituteurs-ressources seront remplacés par des instituteurs spécialisés en développement scolaire. Le SEW exige que la fonction de l’instituteur-ressource soit abolie et que les ressources ainsi libérées soient intégralement mises à disposition des écoles par une augmentation du contingent.
Le recrutement des instituteurs spécialisés au niveau A1, diplôme de master montre que l’objectif de cette mesure se limite à offrir de meilleures perspectives de carrière à un nombre très limité d’enseignants.