Avis du SEW/OGBL sur l’accord entre le gouvernement et le SNE/CGFP du 23 janvier 2018

28.01.2018

Avis du SEW/OGBL sur l’accord entre le gouvernement et le SNE/CGFP

du 23 janvier 2018


En date du 23 janvier 2018, le ministre vient de découvrir une pénurie d’enseignants qu’il avait systématiquement niée jusque-là. Le dernier déni en réponse au communiqué du SEW/OGBL sur la pénurie n’avait eu lieu que quelques jours auparavant.

Puis, du jour au lendemain, le ministère découvre la pénurie et déniche 5 facteurs responsables de celle-ci. Parmi les 5 facteurs s’est glissée une fausse information, car il n’y a pas eu d’augmentation des ressources accordées aux écoles. Le contingent a en effet été relevé suite à l’introduction du cours « vie et société », mais ces leçons existaient déjà auparavant, elles existaient même en double une fois sous l’intitulé cours de religion et une deuxième fois comme cours pour la formation morale et sociale. L’augmentation du contingent de 2,0191 à 2,07 résulte tout simplement d’une augmentation de leçons devant être assurées dans le cadre de ce contingent : 26 leçons par semaine jusqu’en 2017 et 28 leçons par semaine depuis.

Les autres informations sont correctes, mais il y a aussi une omission : la création des directions de région avec leur cortège de directeurs adjoints et de membres de l’équipe EBES, beaucoup d’enseignants qui travaillaient auparavant dans des classes ont quitté le terrain pour rejoindre les équipes de direction.

Tous ces facteurs étaient connus et même l’augmentation de la population scolaire était prévisible. Une politique prévoyante aurait oeuvré pour assurer le recrutement adéquat depuis longtemps ou alors renoncé à certaines réformes tout aussi inutiles que coûteuses. L’introduction d’un stage pour les enseignants du fondamental était en totale contradiction avec tous les efforts consentis auparavant pour mettre en place une formation permettant de réaliser des allers-retours entre théorie et pratique afin que les enseignants sachent analyser leur pratique quotidienne à la lumière des recherches en sciences de l’éducation. La mise en place des directions de régions a attiré de nombreux enseignants vers les postes nouvellement créés et a accablé les titulaires de classe d’une avalanche bureaucratique sans précédent.

Les décharges dans le cadre du stage (stagiaires et conseillers pédagogiques) ainsi que les postes créés dans la hiérarchie ont privé les écoles d’autant de ressources dans l’encadrement des élèves. Parallèlement, le travail dans les écoles s’est alourdi d’une panoplie d’instruments bureaucratiques rendant la tâche de l’enseignant de moins en moins attrayante. La conjugaison de ces facteurs a mené à la situation actuelle.

Le SEW/OGBL avait averti le ministre dès le début des effets néfastes de ces réformes, mais celui-ci a préféré négocier avec un syndicat qui les acceptait et annonçait même à ses adhérents que l’absence de stage signifierait la perte du statut de fonctionnaire pour les futurs enseignants.

La pénurie d’enseignants du fondamental, après avoir été longtemps déterminée par un numerus clausus limitant l’accès aux études, puis par un examen concours limitant le recrutement, ne s’est transformée en crise des vocations que depuis l’introduction du stage. Avec un peu de clairvoyance cette pénurie aurait pu être évitée.

Pourtant, comme les mesures en amont n’ont pas été prises et la situation actuelle nuit en effet à la qualité de l’enseignement fondamental. Le SEW/OGBL constate avec satisfaction que le ministre a enfin cessé à le nier. C’est un premier pas. Néanmoins il faut veiller maintenant à ce que les remèdes ne soient pas pire que le mal qu’on veut combattre.

En gros, la réduction d’une année, soit au niveau des études universitaires, soit au niveau de la durée du stage a de fortes chances de privilégier l’option stage au détriment de l’option études universitaires, tout simplement pour des questions de coûts. Les étudiants et leurs familles raisonnant en homo oeconomicus, sacrifieront plus vraisemblablement l’année universitaire sans rémunération à une année de stage avec 80% du premier salaire. Si de surcroît l’accès au concours de recrutement est ouvert également à des candidats accédant à la réserve des suppléants via un bachelor en relation avec les missions de l’enseignement fondamental (vu l’ampleur de la tâche de l’instituteur cela peut aller du psychologue à l’infirmier) et accomplissant une formation en cours d’emploi de 240 heures, il devient évident que la qualification pour la profession s’acquerra désormais à l’IFEN. En même temps, d’autres acteurs politiques appartenant à la même formation politique que Monsieur Meisch parlent d’une période de stage d’une année pour tous les fonctionnaires. Toutes ces propositions risquent de remettre en question tout modèle de formation tant soit peu cohérent et sérieux. Surtout si l’on désire opérer ces changements dans l’urgence comme la situation l’exigerait.

Il y a soixante ans, la création de l’Institut pédagogique avait déjà fait débuter la formation de l’instituteur par un stage de 2 ans. Depuis, plusieurs générations d’enseignants se sont battues pour une formation faisant accéder l’enseignant du fondamental à une compréhension des programmes d’enseignement plutôt qu’à la simple habilité à les appliquer. Il faut se demander sérieusement si l’actuel ministre de l’éducation ne s’est pas engagé sur le chemin du retour en arrière. Sans réflexion, sans discussion, réagissant aux problèmes causés par les réformes précédentes en en créant de nouveaux, le ministre mène l’enseignement fondamental à la dérive.

Le SEW/OGBL n’avait demandé ni l’introduction d’un stage de 3 années, ni la création d’un IFEN, ni la création des directions de région, ni une division du corps enseignant par une hiérarchisation des carrières. Par contre, il avait revendiqué de bonnes conditions de travail dans les écoles et donc une augmentation des leçons mises à disposition des écoles par le contingent afin de pouvoir répondre aux difficultés des élèves qui constituent les vrais défis posés à l’enseignement fondamental. Le relèvement du contingent aurait certainement nécessité le même nombre de postes que la mise en place des mesures introduites par le ministère, mais il n’aurait pas eu cette influence néfaste sur l’image de la profession qui est à l’origine du manque de vocations rencontrées parmi les étudiants.

Le SEW/OGBL réitère sa demande de supprimer le stage dans sa forme actuelle et de faire de l’IFEN un réel instrument d’insertion et d’accompagnement professionnel en venant en aide à tous les enseignants, jeunes et moins jeunes qui demandent cette aide lorsqu’ils sont confrontés à des situations ingérables ou à des difficultés qu’ils n’arrivent pas à surmonter. De ce fait, on pourrait supprimer les leçons de décharge accordées aux stagiaires et aux conseillers pédagogiques ce qui aurait un effet immédiat sur la pénurie. Il propose de même de réduire l’appareil bureaucratique à son strict minimum et d’accorder tous les postes ainsi
supprimés aux écoles pour mieux encadrer les élèves. Cela redonnerait espoir aux enseignants dans les écoles qui y verraient la reconnaissance du sens de leur travail.

Le SEW/OGBL se soucie de la qualité de l’enseignement et a toujours fait des propositions concrètes pour rencontrer les difficultés réelles du travail dans les écoles. Si le ministre préfère écouter ceux qui ne font qu’approuver son point de vue et ne se soucient pas de ce qui se passe réellement sur le terrain, il faut dénoncer ce qui se passe. Il ne s’agit pas de populisme, ni de polémique si l’on signale les défaillances qui risquent de mettre en péril une institution pourtant considérée généralement comme un des piliers de nos sociétés démocratiques.

Luxembourg, le 28 janvier 2018