« La diversité et le multilinguisme dans l’éducation et l’accueil de la petite enfance »

Tel était le titre d’une conférence organisée le 10 et 11 septembre dernier dans le cadre de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union Européenne.
Sachant que le ministre de l’Education nationale voudrait mener une campagne ambitieuse pour l’apprentissage multilingue dès l’accueil des enfants dans les crèches, je m’étais inscrite à cette conférence pour en savoir un peu plus et dans l’espoir d’y trouver des analyses d’exemples concrets d’apprentissages multilingues dès la petite enfance. Finalement la conférence était intéressante, mais pour de toutes autres raisons.
Parmi les orateurs ouvrant la conférence avec des exposés parfois très intéressants, il faut retenir surtout le professeur Gerd E. Schäfer de l’Université de Brème en Allemagne, un expert dans le domaine de l’éducation de la petite enfance qui a plaidé pour la participation dans l’éducation tout en portant un regard particulièrement critique sur les évolutions récentes dans le domaine de l’éducation à travers l’enseignement par compétences et les évaluations du type PISA qui transforment l’éducation en mettant en avant des concepts managériaux et des questions d’efficience, de rentabilité et de concurrence.
Le professeur docteur Michel Vandenbroek a plaidé pour une pédagogie de la diversité qui respecte le multilinguisme et qui travaille sur les différences autant que les similitudes afin de faciliter les relations à travers les différentes cultures, les langues et les statuts socioéconomiques. Il a préconisé le renforcement de la cohésion sociale.
La professeur docteur Adelheid Hu de l’Université du Luxembourg a surtout posé la question de la surcharge linguistique et cognitive dans des pays comme le Luxembourg avec 3 langues officielles et 50% de migrants.
La représentante de la Commission européenne Madame Nora Milotay a ensuite plaidé pour un cadre de qualité à définir pour l’éducation de la petite enfance.
Malgré les réflexions critiques et les questions soulevées lors des discours inauguraux, les différents ateliers se sont alors concentrés sur les dimensions proposées par la Commission européenne cherchant à définir un cadre curriculaire, à impliquer les parents, à former les professionnels, à trouver des financements et à gouverner par l’évaluation.
Malheureusement on a dû constater que les réflexions sur l’apprentissage d’une deuxième ou troisième langue dans un cadre institutionnel n’avaient pas encore muries, mais qu’il s’agissait surtout de favoriser un accueil des enfants dans le respect des différentes langues maternelles. Une approche certes louable, mais ne répondant guère au défi de la mise en place d’une ou de deux langues communes comme il se pose au Luxembourg.
Vu l’absence de nouveaux concepts sur l’apprentissage des langues dans la petite enfance, j’ai donc commencé à prêter attention à la façon dont l’évaluation des structures de la petite enfance devait être entreprise et j’ai été stupéfaite de constater que malgré tous les points de vue critiques énoncés au début, les « experts » de l’EU de l’OCDE et de différents agences qualité ont réussi à imposer l’idée d’une évaluation des enfants dès 3 ans afin de pouvoir comparer l’efficacité des différentes institutions et afin de pouvoir rendre des comptes sur les financements engagés. Ceci malgré plusieurs voix critiques, notamment celle du représentant des parents.
Finalement ces conférences ne servent qu’à légitimer les élaborations des technocrates qui travaillent à temps plein sur ces questions. Des participants, même si on les nomme ironiquement « experts » on ne demande pas de communiquer leur savoir-faire ou leurs expériences, mais plutôt de devenir les multiplicateurs du cadre de qualité pour l’éducation et l’accueil de la petite enfance proposé par le groupe thématique européen en la matière.

Monique Adam