Avis du SEW/OGBL sur le projet de loi portant modification de la loi portant réforme de la formation professionelle


Avis du SEW/OGBL sur le projet de loi portant modification
1) de la loi modifiée du 19 décembre 2008 portant réforme de la formation professionnelle
2) de la loi du 15 juillet 2011 visant l’accès aux qualifications scolaires et professionnelles des élèves à besoin éducatifs particuliers
3) de l’article L.222-4 du Code du Travail
Préliminaire
Finalement conscient des problèmes qui gangrènent la formation professionnelle depuis des années, le MENJE vient de proposer le projet de loi portant modification de la dite formation. LE SEW se réjouit de cette prise de conscience – tardive – des responsables politiques, mais reste toutefois très sceptique quant à la véritable portée de cette réforme de la réforme. Pour le SEW, les changements apportés à la formation professionnelle par le projet de loi dont question, se limitent pour l’essentiel, à l’image de l’instruction ministérielle d’avril 2014, à des solutions qui ne serviront finalement qu’à améliorer l’organisation pratique de la formation sans apporter les changements qualitatifs fondamentaux nécessaires.
Dans l’exposé des motifs, le MENJE spécifie que « les piliers de la réforme ne sont pas mis en question » et qu’ « un bilan tant soit peu pertinent et complet de la réforme ne peut être établi qu’au moment où au moins trois cohortes ont parcouru l’ensemble des formations, donc au plus tôt en 2019 ». De même précise-t-il que « les objectifs principaux seront atteints, à savoir davantage de diplômes avec moins de retard scolaire et une meilleure qualification ». Le SEW regrette
- que le MENJE attendra jusqu’en 2019 avant de réaliser un bilan de la nouvelle formation professionnelle. Trois générations d’élèves auront alors servi de cobayes à une réforme dont on apercevait les limites dès les premières années de son lancement,
- que le MENJE refuse toute discussion sur l’opportunité d’un enseignement et d’une évaluation exclusivement basés sur les compétences, alors que cette forme d’enseignement n’est pas adaptée à nombre de modules et notamment ceux à haute technicité,
- que le MENJE n’a pas le courage d’admettre que la réforme de la formation professionnelle est un échec cuisant par rapport au système antérieur, aussi bien quant au nombre– tout compte fait, réduit - de diplômés qu’au niveau de qualification – moins élevé - de ces derniers, ceci surtout pour la formation de technicien, fortement dévalorisée.
Il est tout aussi regrettable que le MENJE ait eu besoin de 6 années de réflexion et de deux générations de jeunes élèves pour constater que
- « l’élève fut autorisé à progresser dans son apprentissage avec un nombre élevé de modules non réussis mais avec l’obligation de les rattraper » ;
- « le lycée était dans l’obligation d’offrir à l’élève la possibilité de rattraper chaque module non réussi, ce qui en pratique s’avérait très difficile voire impossible » ;
- « la condition des deux tiers de tous les modules pour passer d’une année à l’autre était (trop) peu contraignante » ;
- « l’élève pouvait progresser avec de fortes lacunes pour ce qui est des compétences professionnelles » ;
- « l’élève progressait et se retrouvait en fin de parcours avec beaucoup de modules à rattraper, dont certains datant de la première année de formation » et que pour « certains élèves en pénultième ou dernière année, le nombre de modules à rattraper était tel qu’il leur était impossible de réussir » ;
- le fait que « l’élève puisse passer d’une année à l’autre avec un tiers de modules à rattraper était fatal au cas où l‘élève passait d’une 10e à plein temps à une classe de 11e concomitante, avec seulement une ou deux journées au lycée » ;
- « les dispositions appliquées à la lettre signifiaient que des élèves arrivant presque au terme de leur apprentissage étaient définitivement écartés de la formation à la fin de cette année supplémentaire».
Œuvrant de telle sorte, et ignorant les avertissements répétés du SEW, le MENJE a sacrifié volontairement deux générations d’élèves, les lacunes de la réforme citées ci-dessus étant prévisibles pour la plupart dès le départ.
Le SEW regrette par ailleurs que le projet de loi en question fasse référence, à de multiples occasions, à des règlements grand-ducaux qui font toujours défaut au moment de la rédaction de l’avis dont question.
Avis du SEW concernant la loi modifiée du 19 décembre 2008 portant réforme de la formation professionnelle – Examen des articles
- 1. de la loi à réformer :
La formation professionnelle « se caractérise par un apprentissage tout au long de la vie et une approche fondé sur l’acquisition de compétences ».
Le SEW reste opposé à un enseignement exclusivement basé sur les compétences et nous proposons d’ajouter « et l’acquisition de savoirs ».
- 4. Le SEW regrette que le comité à la formation professionnelle comprenne treize catégories de personnes et organisations, dont les élèves et les parents d’élèves, mais ne comprend aucun membre du corps enseignant.
Nous proposons d’ajouter les enseignants dans la liste des catégories représentées.
- 12. « L’Etat verse aux élèves apprentis 40 % du montant de l’indemnité d’apprentissage».
Le SEW s’oppose à la décision de diminuer l’indemnité d’apprentissage des élèves apprentis de 60 à 40 %.
Art 14. « La formation professionnelle initiale comporte des périodes de formation en milieu scolaire dont l'objectif est l'acquisition de compétences du domaine de l'enseignement général, ainsi que du métier ou de la profession en question ».
Nous proposons d’ajouter « ... et de savoirs... » après « compétences ». En effet, les matières de l’enseignement général ne se prêtent pas nécessairement à l’action, qui est l’apanage de l’enseignement par compétences.
Art 20. Dans le commentaire des articles, il est spécifié que « les modules fondamentaux d’une formation doivent tous être réussis en fin de formation afin d’aboutir à un certificat ou à un diplôme ».
Le SEW estime qu’il serait utile, étant l’obligation de réussir tous les modules fondamentaux, de spécifier un nombre minimum ou maximum de modules fondamentaux par formation et par semestre pour éviter des différences trop importantes d’une formation à l’autre !
Concernant le « projet intégré intermédiaire », le projet de loi spécifie que « pour les autres formations (en dehors des formations sous contrat d’apprentissage), le ministre peut décider d’organiser un projet intégré intermédiaire en milieu de formation après avoir demandé l’avis de l’équipe curriculaire et de la commission nationale de formation ».
Le SEW se prononce clairement contre la suppression des « PII » dans certaines formations pour des raisons purement organisationnelles et financières ou, comme le spécifie le MENJE dans son commentaire des articles, « étant donné que son organisation est très laborieuse et coûteuse ». Il ne faudra pas sacrifier une des rares initiatives pédagogiquement valables de la réforme sur l’autel de la politique d’austérité.
Le SEW demande le maintien des « PII » dans tous les régimes et dans toutes les formations. Dans un enseignement professionnel où l’interdisciplinarité – tellement importante d’un point de vue pédagogique – a de facto disparu de la grille horaire, le « PII » et le « PIF » relèvent d’une importance capitale dans le développement intellectuel des élèves.
Le SEW propose au minimum de changer le texte du projet de loi de la manière suivante : « Pour les autres formations, le ministre peut décider d’organiser un projet intégré intermédiaire en milieu de formation à la demande de l’équipe curriculaire ou de la commission nationale de formation ».
- 21. « Pour l’élève qui ne progresse pas, le conseil de classe décide des mesures de rattrapage ou la réorientation».
Alors que l’avancement automatique des élèves s’est avéré un échec total et que le nombre d’élèves démotivés et déroutés par l’accumulation de quantités de modules non réussis est en augmentation, le MENJE persiste à ne pas revenir à un système permettant, sous certaines conditions, le redoublement de classe. A l’instar des propositions figurant dans l’instruction ministérielle d’avril 2014, des solutions pragmatiques, facilitant avant tout l’avancement régulier des élèves sans se soucier de la qualité de la formation, sont privilégiées.
Quant au « bilan de l’élève en 2e année et à la fin de la formation » et le « nombre seuil qui est un nombre entier compris entre 2 et le cinquième du nombre de modules obligatoires », le SEW soutient ces propositions quant à leur principe tout en soulignant que le « cinquième du nombre de modules obligatoires » lui semble une interprétation trop large de la compensation et peu propice à l’élève pour réaliser les efforts nécessaires à sa réussite.
- 23. « Les détenteurs du diplôme de technicien sont aptes à suivre des études techniques supérieures dans la spécialité correspondante. Des modules préparatoires facultatifs sont offerts afin d’améliorer la préparation de ces études».
Si le SEW se félicite de cette avancée, un certain nombre de questions restent sans réponse :
- Comment les modules préparatoires seront-ils intégrés dans la grille-horaire ? Qui aura droit, et sous quelles conditions, de participer à ces modules ?
- Comment garantir la réussite des élèves admis au BTS et autres études techniques supérieures, alors que la grille horaire et les programmes des formations actuelles, sans les modules préparatoires, préparent les élèves à leur seule intégration sur le marché du travail et non pas à poursuivre des études post-secondaires ?
Nous contestons l’affirmation du MENJE selon laquelle « les détenteurs d’un diplôme de technicien possèdent en principe le niveau requis pour faire des études techniques supérieures » et « qu’ils ne sont donc plus obligés de suivre des modules préparatoires pour se voir certifier cet accès » parce qu’elle ne correspond pas à la réalité. Sinon, pourquoi le MENJE aurait-il insisté pendant des années à prouver le contraire ?
Pour le SEW, il est clair que
- les modules préparatoires doivent être intégrés dans la grille horaire de façon à permettre à un maximum d’élèves de pouvoir y participer sans les surcharger et que cela doit être inscrit dans le texte,
- la grille-horaire et les programmes des formations de technicien doivent être adaptés afin de garantir aux élèves une formation initiale qui leur permette de réussir le passage du secondaire vers le supérieur. Il faudra notamment renforcer de nouveau les cours de langues et réintroduire les mathématiques dans les grilles-horaire classiques au risque de donner de faux espoirs aux jeunes et à leurs parents quant à leurs chances de réussite dans l’enseignement supérieur.
- 24 « Les passerelles sont définies par un RGD qui détermine (…) les conditions selon lesquelles un élève de la formation du technicien peut s’inscrire à une classe du technique».
Le SEW a toujours insisté que la création de passerelles vers le haut est d’une importance cruciale. Malheureusement, la réforme de la formation professionnelle a eu comme conséquence que les passerelles ont disparu de facto entre le régime de la formation du technicien et le régime technique, les différences de programmes, de grilles-horaires, de méthodes de travail et de degré de difficultés étant devenues trop importantes. Là où, dans l’ancien système, un bon élève technicien pouvait changer d’une classe de 11e du régime de technicien vers une classe de 12e du régime technique sans éprouver trop de difficultés, il doit aujourd’hui réussir une classe de 13e technicien pour éventuellement pouvoir continuer dans une classe de 12e du régime technique.
- 35 « En cas de résiliation du contrat d’apprentissage pendant l’année scolaire en cours, l’apprenti reste inscrit à la formation au lycée. S’il ne trouve pas un nouveau patron formateur au terme d’un délai de 6 semaines (….) le lycée le désinscrit ».
Le SEW se pose la question de savoir quelles sont les solutions alternatives qui se présentent aux élèves dans cette situation ?
- 37. « Le contrat d’apprentissage est résilié 1) d’un commun accord entre parties, 2) pendant la période d’essai, sur décision de l’une des parties au contrat, sans indication de motifs» sans l’accord préalable des chambres professionnelles intéressées.
En vue de protéger le jeune apprenant, le SEW est d’avis que l’accord des chambres professionnelles devrait être exigé dans tous les cas de figure, y inclus le commun accord (l’accord pourrait être forcé) et la période d’essai.
- 39 (4) « Le stage de formation peut se dérouler entièrement ou partiellement pendant les congés ou vacances scolaires».
Le SEW s’est toujours prononcé contre la tenue des stages de formation pendant les congés scolaires. Le stage fait partie intégrante de la scolarité de l’élève. L’élève-stagiaire, autant que n’importe quel autre élève, a droit aux vacances scolaires.
- 39 (6) « le cas échéant, l'indemnisation prévue »
Le SEW propose de biffer « le cas échéant ». Aux yeux du SEW, les stages doivent être rémunérés et cotisables !
Modification du code de travail
« Le détenteur du CCM ou d’un CCP ou du CITP doit être considéré comme salarié qualifié (… ) après une pratique d’au moins 7 années dans le métier dans lequel le certificat a été délivré ».
Le SEW est choqué du changement de cette disposition et demande à ce que l’on revienne aux dispositions antérieures d’une pratique de 2 respectivement 5 années dans le métier.