Le SEW se rallie à l’argumentaire du comité des professeurs du Lycée du Nord dans sa prise de position en faveur d’une école publique luxembourgeoise neutre sur le plan religieux et idéologique

03.11.2014

Le SEW se rallie à l’argumentaire du comité des professeurs du Lycée du Nord dans sa prise de position en faveur d’une école publique luxembourgeoise neutre sur le plan religieux et idéologique, capable de contrer toute forme de revendications communautaristes 

Linstruction ministérielle du 26 juin 2014

neutralite.jpgDans sa directive du 26 juin 2014, adressée aux lycées et lycées techniques, le Ministre Meisch compte «régler toutes les situations où, sur le plan des convictions personnelles des enseignants et des élèves, l’application des principes de la neutralité de l’école publique, de la tolérance et de la non-discrimination donne lieu à des équivoques ».

Aux yeux du SEW, cette directive ne règlera aucu- nement la multitude de conflits auxquels l’école de demain devra faire face, ni ne permettra aux établis- sements scolaires de faire face aux revendications religieuses et communautaristes de plus en plus exigeantes et de plus en plus nombreuses.

C’est surtout aussi dans le contexte actuel, où la perspective de l’introduction d’un cours unique neutre et harmonisé d’éducation aux valeurs dans l’enseigne- ment luxembourgeois semble toute proche, que le SEW est consterné de voir le gouvernement luxembourgeois propager une directive qui se situe à des milliers de kilomètres d’une vision progressiste sur le sujet.

 

Le combat du LN pour une véritable neutralité de l’école publique

C’est en janvier 2014, après des discussions infruc- tueuses avec sa direction, que le comité des profes- seurs du LN s’est décidé de contacter les ministres de l’Education nationale, de la Justice, des Cultes et de l’Egalité des chances et de les confronter avec leur « prise de position en faveur d’une école publique luxembourgeoise neutre sur le plan religieux et idéologique, à l’encontre d’une proli- fération des diverses revendications communautaristes ».

En effet, depuis la rentrée scolaire 2013 / 14, la communauté scolaire du Lycée du Nord se voit confrontée au fait que deux jeunes filles de confes- sion musulmane fréquentent le lycée et participent aux cours, revêtues du voile islamique appelé hijab. Selon le père des deux élèves, ces dernières exigeraient de pouvoir arborer ce signe religieux ostentatoire et porteraient le voile depuis l’âge de 10 ans de leur plein gré, donc sans aucune contrainte extérieure. Cette situation a rencontré une franche opposition de la part de nombreux enseignants engagés depuis toujours en faveur de l’égalité entre garçons et filles et nullement intéressés à stigmatiser une communauté religieuse ou ses adhérents - en substance les deux filles en question. Elle a aussi amené le comité des professeurs du LN à demander une entrevue avec sa direction afin de discuter le sujet, d’échanger leurs points de vue et de trouver une solu- tion permettant d’éviter une ségrégation future des filles et garçons au sein de leur lycée.

L’argumentaire élaboré par le comité des professeurs du LN et exposé à sa Direction lors de cette entrevue s’inscrivait pour l’essentiel dans un engagement en faveur du respect de l’égalité entre filles et garçons et le refus de tout communautarisme religieux ou autre  dans l’enseignement public. En voici les principaux arguments mis en évidence :

  • Le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l’appartenance religieuse quelle qu’elle soit, favorisent l’apparition et le déve- loppement de communautarismes au sein de la population scolair
  • Les enseignants, n’ayant jamais fait aucune distinction entre filles et garçons dans les cours, se voient imposer de fait une telle distinction par le voile porté par les deux filles musulmane Leur volonté de se démarquer à travers le port du voile, par ailleurs non exigé par la religion islamique, mais largement prescrit par les musulmans intégristes, risque d’avoir pour conséquence une mise en question de l’égalité entre filles et garçons au sein de l’école.
  • Le voile islamique, bien au-delà de la simple manifestation d’une appartenance culturelle ou confessionnelle, constitue un moyen d’aliéna- tion et de soumission de la femme musulmane et à fortiori des jeunes filles musulmanes et doit, en tant que tel, être banni de l’école publique, garante des droits fondamentaux de notre société.
  • L’acceptation du port du voile au sein de l’école publique équivaut à prêter moralement main- forte à ceux qui veulent maintenir la femme sous tutelle et met de plus sous pression toutes ces élèves et étudiantes musulmanes qui, en l’état actuel et quoique soumises à d’énormes pressions, refusent de porter le voile.
  • Le phénomène du port du voile – en l’absence de réaction de la communauté scolaire – risque d’encourager d’autres exigences de la part de certaines communautés intégristes. La permission de libérer les enfants des cours pour leur permettre de participer à la célébration  des fêtes religieuses islamiques ou autres, la contestation de la mixité des enseignements et notamment du sport scolaire, la non-obligation pour les filles de suivre l’ensemble des cours de biologie, le choix du sexe de l’enseignant ou du médecin scolaire ne sont que quelques exemples des exigences extrémistes auxquelles les directions d’écoles risquent d’être confrontées dans les années à venir.

 

  •  L’acceptation tacite de signes ostentatoires et discriminatoires risque de produire un effet « boule de neige ». Laisser aux filles en question la soi-disant « liberté » de porter le voile, donnera un mauvais signal à d’autres parents communautaristes qui pourraient également commencer à obliger leurs filles à se voiler.

 

  • En définitive, l’acceptation du port de tenues ou de signes manifestant ostensiblement l’appartenance religieuse, loin de favoriser le vivre-ensemble, attise les tensions entre communautés et fait le lit des extrêmes, d’un côté comme de l’autre.
  • Toute autre option que l’interdiction du port du voile fait primer la liberté religieuse sur les droits fondamentaux garantissant l’égalité entre hommes et femmes et a fortiori les libertés individuelles sur la liberté de tous et constitue, par là, un problème constitutionnel à ne pas négliger.
  • En conséquence, seule la garantie de la neutralité religieuse et idéologique de l’espace public permettra le maintien de la coexistence harmonieuse des différentes cultures et religion

Face au rejet, de la part de la Direction du LN, des arguments et propositions du comité des professeurs, les membres de ce dernier se sont vus contraints de contacter les quatre ministres en question afin de leur demander d’intervenir et de tout mettre en œuvre pour garantir une neutralité religieuse et idéologique au sein des établissements scolaires luxembourgeois. En effet, selon le comité des professeurs – et du SEW par ailleurs - seule une législation claire, déterminée à combattre toutes les formes de communautarisme, racisme et sexisme, pourrait garantir l’égalité entre filles et garçons et par là-même la Constitution luxembourgeoise qui repose sur l’égalité de tous.  Il importera donc d’offrir à tous les élèves les conditions pour forger leur personnalité et exercer leur libre arbitre en dehors de toute pression qui les empêcherait de faire leurs propres choix.

Le soutien de 15 lycées et lycées techniques à la prise de position du LN

Afin de donner un poids supplémentaire à leur demande, le comité des professeurs du LN a soumis sa « prise de position » aux comités de professeurs de tous les lycées et lycées techniques du pays afin que ces derniers en discutent avec les membres de leur communauté scolaire respective. Finalement le LN a  reçu le soutien de 15 lycées et lycées techniques représentant au total plus de 2.500 enseignants.

Nonobstant ce soutien massif, le gouvernement a pris la décision de ne pas suivre l’argumentaire du comité des professeurs du LN avec, à la clé, l’instruction ministérielle du 26 juin 2014 que nous connaissons. Cette dernière ne règlera aucunement le flou légisatif entourant la question de la neutralité de l’espace public en général et de l’école publique en particulier. Tout au contraire, cette directive risque de créer plus de problèmes au sein des écoles et lycées qu’avant et de générer un climat d’incertitude au sein des directions et comités d’écoles qui se verront davantage exposés aux pressions des milieux religieux extrémistes.

Le gouvernement fait fausse route

Les récentes révélations dans les médias luxembourgeois sur les milieux islamistes au Luxembourg, mais aussi les récentes révélations sur ces mêmes milieux en Allemagne, en Grande-Bretagne et au Québec notamment ne font malheureusement que confirmer les inquiétudes qui ont été formulées dans la prise de position du LN.

La soi-disant « tolérance » à laquelle le Ministre  Meisch souscrit s’appliquera notamment à l’égard des représentants les plus extrémistes d’une religion qui n’exige nullement le port du voile des croyantes. De nombreux intellectuels musulmans et musulmanes, dont l’éminente écrivaine Necla Kelek, qui s’est vue menacée de mort lors d’une table ronde en novembre 2013 à Luxembourg, nous mettent en garde contre les revendications des islamistes radicaux et les défis qu’ils lancent régulièrement aux Etats de droits européens.

Par ailleurs, le Ministre Meisch conseille dans sa directive « une approche pragmatique tout en évitant de porter atteinte à l’organisation de l’école publique, qui ne doit pas être entravée et notamment pas par des considé- rations religieuses ». Dans cette perspective, le port du voile constitue justement une entrave réelle à l’organisation de l’école publique. Les enseignants confrontés à la situation de jeunes filles portant le voile à l’école  se voient aujourd’hui exposés à des responsabilités supplémentaires générées par cette situation et tout en n’ayant jamais fait aucune distinction dans leurs cours entre nationalités, entre couleurs de peau, entre filles et garçons, ils se voient aujourd’hui imposer de fait une telle distinction par le voile porté par les filles musulmanes.

Dans sa directive, le Ministre Meisch suggère de surcroît que le port du voile n’est pas contraire au principe de l’égalité entre filles et garçons. Pire, il justifie  le port du voile - qui est pourtant vécu par des milliers de musulmanes comme une contrainte imposée par l’homme - par le fait que le règlement s’appliquerait également aux garçons qui auraient le droit de porter la kippa respectivement le turban. Que le Ministre Meisch, et au-delà toute l’équipe gouvernementale, mélange une contrainte à suivre par la femme sous peine de lapidation dans certains pays du monde  avec des privilèges accordés aux seuls hommes dans d’autres cultures et régions du monde, nous laisse sans voix !

De plus, le Ministre Meisch nie l’impact et l’effet boule de neige que risque d’avoir le port de ce symbole - présenté par certains milieux comme une obligation religieuse contraignante - sur toutes les filles musulmanes qui ne l’arborent pas.

Enfin, par la détermination du gouvernement de vouloir banaliser le port du voile dès le plus jeune âge, il met en péril l’avenir professionnel d’un nombre important de ces jeunes filles. En effet, il s’avère qu’au Luxembourg, les femmes voilées ne trouvent que très difficilement de l’embauche sur le marché du travail. Par la politique que le gouvernement poursuit actuellement, il favorise ainsi clairement le cantonnement de ces jeunes femmes dans leur rôle de femme au foyer et de mère de famille.

Que le gouvernement reconsidère sa position

Le SEW demande au Ministre Meisch et au gouvernement en place de reconsidérer leur position sur la neutralité de l’école publique, d’avoir le courage de leurs opinions et de lancer enfin ce grand débat public sur le rôle des religions dans notre société moderne !

La neutralité de l’école implique que chaque élève puisse s’émanciper en dehors de toute contrainte idéologique et/ou confessionnelle. Ceci induit que toute exhibition ostentatoire de signes religieux et/ ou idéologiques soit catégoriquement interdite à l’école. Le SEW a conscience que le sujet en question est des plus délicats. Mais ce n’est certainement pas l’instruction ministérielle que le Ministre Meisch vient de publier qui va débloquer une situation qui risque de s’envenimer dans les années à venir.

Jules Barthel

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