Quel cours unique et quand ?

20.10.2014

Depuis que le Gouvernement a fait savoir qu’il projette l’introduction d’un cours unique d’éducation aux valeurs en remplacement des cours d’instruction religieuse et morale et des cours de formation morale et sociale, la date de cette introduction est repoussée de septembre 2014 à septembre 2015 et dernièrement le ministre envisage même qu’il faudrait attendre septembre 2016. Pourquoi reporter le délai toujours plus loin ? Le ministre affirme qu’il faut développer un cours bien fondé et qui puisse convenir à tous et que cela prendrait du temps.

Or, depuis décembre 2013, le SEW/OGBL et la FGIL demandent à être associés aux discussion sur les modalités et les programmes de ce cours unique et

ils n’ont toujours pas été invités ne serait-ce qu’à une première réunion de concertation au MEN. Malgré

les différentes réponses favorables du ministre (voir courrier en annexe), il n’était jusqu’à présent pas possible de joindre la coordinatrice ni par courriel, ni au téléphone.

Entretemps, nous avons organisé en collaboration avec d’autres organisations laïques des conférences pour illustrer les possibilités d’une éducation qui ne s’appuie pas sur une tradition religieuse. Les deux conférences

« Erziehen ohne Religion » et « Philosopher avec les enfants grâce à la littérature de jeunesse » ont parfaite- ment illustré notre approche d’une éducation dans un monde multiculturel qui doit respecter les croyances

et les cultures différentes, mais qui doit élaborer aussi une culture commune grâce au partage des réflexions de chacun.

La conférence d’Edwige Chirouter qui s’inscrit dans une tradition philosophique pour aborder les grandes questions du sens de la vie, de la mort, de la justice et de l’injustice, de l’amitié et de l’amour, tout en décli- nant ces sujets pour les enfants de l’école fondamen- tale grâce au support des albums de jeunesse, illustre

à merveille comment un tel cours unique pourrait se construire le long d’un fil rouge constitué par l’ap- proche philosophique se poursuivant du fondamental au secondaire.

Pourquoi faudrait-il plus de deux ans pour élaborer les programmes d’un tel cours, alors que le livre de Madame Chirouter, nous en trace pratiquement les grandes lignes, non seulement en ce qui concerne les contenus qui devront toujours être adaptés à l’évolu- tion de notre société, de sa culture et de sa littérature,

Bibliographie :

 

mais surtout en ce qui concerne l’approche qui est de se saisir de « l’étonnement devant le monde », de la « curiosité » des enfants pour leur « apprendre progressi- vement à penser par eux-mêmes » ? Cet apprentissage doit leur permettre de « se découvrir comme sujet pensant, porteur en tant qu’être humain, d’interro- gations métaphysiques fondatrices de sa condition, il doit insister sur « l’aspect démocratique des échanges philosophiques » afin de les éduquer à la citoyen-

neté et il doit leur permettre d’acquérir les exigences intellectuelles inhérentes au discours philosophique. Pourquoi ne pas s’appuyer sur le mémoire de Madame Marie-Paule Greisch, inspectrice de l’enseignement fondamental au Luxembourg, qui a analysé la situa- tion luxembourgeoise, illustré des pratiques philoso- phiques significatives déjà existantes et élaboré des pistes d’amélioration ?

Est-ce qu’une telle approche qui favorise le développe- ment de la pensée et la recherche commune de sens, qui cherche à conceptualiser et à argumenter ration- nellement, qui vise le dépassement de l’égocentrisme et du relativisme en se basant sur un dialogue coopé- ratif pourrait être contestée dans l’école publique luxembourgeoise ? Développer l’esprit critique, afin

de préserver nos jeunes à la fois de l’endoctrinement idéologique et de la séduction publicitaire, ne serait-ce pas souhaitable ?

Que les religions revendiquent leur place dans l’héri- tage culturel de nos sociétés est tout à fait légitime, aussi ont-elles souvent développé des réflexions philosophiques remarquables et élaboré des prin- cipes éthiques honorables. Elles seront certainement abordées dans la réflexion philosophique sur notre héritage culturel.  Mais elles prêteront aussi matière au questionnement qui sera la nouvelle dimension d’un

cours unique qui évitera les réponses toutes faites pour développer l’esprit critique et la recherche du « bien commun ».

Quels sont donc les obstacles à l’introduction d’un tel cours ? Est-ce qu’il y a des travaux préparatifs en cours ? Quels sont les acteurs impliqués ? Est-ce qu’il existe des blocages qui font retarder l’échéance ? Autant de questions qui mériteraient qu’on en débatte avec tous les acteurs concernés. Tout porte à croire que le ministre de l’Education nationale hésite à aborder le sujet. Pourquoi ?

Edwige Chirouter : Aborder la philosophie en classe à partir d’albums de jeunesse, Editions Hachette 2011

Marie-Paule Greisch : Philosopher avec les enfants à l’école fondamentale, analyse de la situation luxembourgeoise, pratiques philo- sophiques significatives et pistes d’amélioration, mai 2013

Monique Adam